Trentaine ordinaire

En partant de la région parisienne vers la Bretagne, nous avons vendu l'appartement que nous avions acheté 8 ans auparavant.
La plus-value (merci au marché immobilier délirant) nous a permis non seulement de rembourser le crédit mais aussi d'obtenir une réserve que l'on pourrait qualifier de "pas du tout dégueulasse^[1]".

Après un période d'observation sur la région malouine où nous avions emménagé en location dans une maison (le temps de vérifier qu'il y avait un minimum d'acclimatation ^[2]) s'est posée la question de l'achat immobilier: quoi et où?

Basiquement, la question principale était: maison en ville ou maison en campagne?

Finalement nous avons finalement opté pour une maison en ville (les considérations pratiques de proximité des grands-parents, des écoles et de la gare ont nettement fait pencher la balance).
Avec ce choix, la probabilité de rentrer dans du neuf devenait presque inexistante et effectivement nous n'avons trouvé que du "vieux" et donc avec travaux.

Dorénavant l'expression "gros travaux" est taboue sur ce blog, elle me donne des boutons, des palpitations et surtout, surtout…
elle vide mes réserves d'argent (et ça c'est le Mal).

Redevenons sérieux et philosophons de conserve et de comptoir:

Avant de s'y mettre, il faut savoir que les gens vous mentent quand ils en parlent.
En vrai cela leur a coûté beaucoup plus cher qu'ils n'osent vous l'avouer (et pourtant ils disent tous qu'ils ont eu beaucoup de (mauvaises) surprises), de même cela a été beaucoup plus long et difficile que prévu.
Et bien énervant aussi: tous les gens à qui vous en parlez (ou non) ont leur propre avis et vous le font savoir (et en insistant sur le fait que votre vision à vous n'est pas bonne).

Mais bon, une fois que c'est fait, on ne se voit plus sans.

Toute ressemblance entre la mise en oeuvre de travaux et l'élevage des enfants n'est pas de mon fait.

Si vous ne vous retrouvez pas dans ma description, sachez que je vous hais (en toute cordialité bien entendu).

C'est une année à mariage: 2 de prévus pour la rentrée.

Les faire-part sont bien jolis, mais il y a toujours ce choc d'apprendre des choses intimes sur la nouvelle pièce rapportée (le plus souvent, on connaît surtout un seul des mariés).

Sur le basique, on peut tout simplement se moquer d'un nom de famille incongru (ou d'une association amusante des sonorités ou des nouvelles initiales nom-prénom)
-oui, je sais, maintenant les femmes peuvent garder leur nom, mais je trouve cela con: pour bien faire, il aurait mieux valu changer le nom des 2 mariés-

On peut aussi apprendre que les parents de l'un sont divorcés ou bien qu'il n'y a plus qu'une veuve.

Les adresses aussi montrent bien des choses:
un des époux habitant dans la même (petite) ville que ses parents
et de suite je me mets à leur souhaiter "Faites bien attention"^[1].

Il est bon de connaître sa place exacte, que ce soit au boulot ou en famille, même si ça fait mal à l'égo.

Ce matin, plongé dans mes pensées, j'avançais doucement dans le couloir pour rejoindre la table du petit-déjeuner.
Je tourne dans la cuisine.
Le sourire radieux de ma femme devient...
un rictus déçu.

A la vitesse de la démarche, elle avait cru que cétait un des enfants qui arrivait.

Bon ben, je sais que je suis bien en dessous des enfants, snifff ;-(.


(Mais bon, vu le niveau d'estime pour ses enfants, même bien au-dessous, je fais un score honorable)

Ma femme a pris une demi-journée pour faire les soldes.

Le soir je n'ai pas eu droit au traditionnel défilé, sous prétexte que "de toutes façons cela ne t'intéresse pas".

Mon petit doigt me dit que la carte bancaire a tellement flambé qu'elle n'ose pas me montrer ce qu'elle a acheté ;-((((

Je me suis encore engueulé avec mon grand-frère ce week-end.

Il a ce besoin absolu d'être, justement,… un grand-frère.

C'est-à-dire que LUI sait,
qu'il a donc obligation à nous recadrer et à nous orienter vers LA/SA bonne direction.

Je suis conscient que c'est une déformation due à l'éducation:
les parents mettent le grand-frère à la place du responsable/coupable de sa fratrie
(le but n'étant pas de responsabiliser l'aîné mais tout simplement de faciliter la tâches des parents),
et le grand-frère finit traumatisé par la répétition des "montre le bon exemple", "fais donc attention à ta petite soeur", "aide ton frère, il est plus petit que toi",…

Autant pour quelques années sur moins de 25 ans d'âge, je concède sans problème à l'aîné une plus grande expérience de la vie
(qui ressort le plus souvent en "ne fais pas comme moi)",
autant à 30 ans passés, chacun ayant un vécu différent (étude(s), famille(s), boulot(s), emmerdes,..) il ne peut plus y avoir transposition de l'un vers l'autre.

Alors bordel de merde, comment peut-il encore essayer de gérer ma vie selon ses préceptes alors que nous sommes foncièrement différents?

J'ai fait une erreur…
Plus qu'une erreur: une Connerie.

Leurré par mon instinct de gentil mari, sans réfléchir aux conséquences,
j'ai acheté en DVD plusieurs saisons de "La petite maison dans la prairie".

Et ce qui devait arriver arriva: dès le premier visionnage, ma fille (7 ans) est devenue accro.

Heureusement qu'il n'y a pas assez de temps en semaine,
mais le week-end, la mère et la fille passent des instants "mère-fille" en se scotchant devant l'Histoire de la famille Ingalls.

Pitié, sortez-moi de là, c'est l'horreur.

Et en plus, la saison froide arrive, je ne peux même pas prendre prétexte de sortir le cadet.

La grippe continue ses dégâts collatéraux:
non seulement je n'ai pas pu donner mon sang (conjoint d'une personne atteint d'une maladie infectieuse) mais ma femme se prend pour un thermomètre ambulant.

Dès qu'elle est à proximité, hop une main sur le front du gamin et à la moindre suspicion "oh, il est chaud, touche, touche, je crois qu'il a de la fièvre".

Je ressors donc le thermomètre régulièrement
et jusqu'à maintenant j'ai mesuré au maximum un petit 37,4.

Et bien j'avoue que je suis fier de moi:
je n'ai émis de remarque mesquine et assassine qu'une seule fois.

Ok, deux fois: à un moment elle tournait autour de moi, toute stressée, et me demandais "alors? alors?":
le thermomètre étant inséré depuis seulement quelques secondes, j'ai répondu "36"
Ben, elle l'a mal pris ;-(, soit disant que je ne suis qu'un con.

Saloperie de grippe!!!

Dénouement.

Je ne saurais vous dire le degré d'émotion dégagé lors de la rencontre, je n'y étais pas.

Tout ce que je sais, c'est que durant leur séjour l'oncle a fait une proposition à son neveu Brian:

Ma femme a une jeune sœur, encore célibataire
Cela ne te dirait pas de la marier?

Cette année, au bled, nous avons participé aux fiançailles de Brian et Latifa!!!!

Scène 4.

C'est Brian, le fils de Corinne, qui, du haut de ses 20 ans, a pris les choses en main au bout de quelques mois.

Bon maman, ok tu as peur d'être déçue mais tu ne peux pas t'arrêter là.
Donne moi tout ce que tu sais sur mon grand-père, je vais appeler.

Il s'est entretenu plusieurs fois avec le fils aîné de Jamil (sûrement son oncle donc) et tout correspondait:
d'un côté les noms des parents de Jamil inscrits dans la mémoire de la mère de Corinne,
de l'autre des lettres attestant de la naissance d'une fille prénommée Corinne
(et sûrement d'autres choses, ces faits m'ont été rapportés brièvement par Brian)

Et donc en 2007, accompagnée de son fils Brian, Corinne est allée faire connaissance avec la branche paternelle de sa famille.

Scène 3.

En fin de vacances nous étions devenus des messagers porteurs d'espoir:
la fille de Jamil avait enregistré sur notre caméscope quelques minutes d'une déclaration absolument poignante et totalement lacrymale.

Cela rendait un peu comme cela:

Corinne, c'est moi ta sœur Leila. Dis, pourquoi tu viens pas nous voir? Tu sais je n'ai pas de sœur moi, je n'ai que des frères. Je voudrais te voir. Viens nous voir, tu seras bien reçu ici. Allez viens!

Je vous le jure: tu regardes la vidéo, tu chiales, c'est automatique.

Découpage vidéo sur le pc, gravage des 3 minutes sur cd, passage du cd à Céline qui l'a donné à sa cousine Corinne.

Bref, Corinne a visionné la vidéo...

mais n'a jamais donné suite.

Scène 2.

En 2005, nous avons péleriné au village d'origine de mes beaux-parents:
la propriété maternelle y est grande et bien remplie (2 maisons/immeubles à 2 étages pour 4 générations et au moins 7 familles -je n'ai pas réussi à saisir toute la complexité).

De questions discrètes en réponses franches, il est apparu notamment les faits suivants:
Oui, Jamil savait qu'il avait une fille en France.
Non il ne s'en cachait pas, c'était même une sentence qu'il avait plusieurs fois assénée "si vous me faites trop chier, je vais partir en France vivre avec ma fille^[1]"

Scène 1.

2004, dîner dans ma belle-famille.

Un des fils de la maisonnée (venue avec sa conjointe Cécile) débute une conversation anecdotique:

Tu sais maman? Dernièrement, on a mangé avec Corinne, une cousine de Cécile sur Fécamp.
Elle ne connaît pas son père, elle sait seulement qu'il est algérien.
Le nom de famille de son père c'est Foudil comme toi, c'est marrant, hein?

Et mon beau-père:

Ah Fécamp! J'ai bossé quelque temps là-bas il y a bien 40 ans.
Avec Jamil, le frère de votre mère.

Léger blanc.

Euh donc pépé? Il y a 40 ans, tu travaillais à Fécamp avec ton beau-frère, Jamil Foudil, c'est bien ça?
Il est devenu quoi?

Revenu au bled depuis, marié, 4 enfants (1 fille, 3 garçons), mort en 2002 ou 2003.

Je précise que cette chronique est basée sur des faits absolument réels^[1]

que dans un film tu insultes le scénariste tellement ce n'est pas crédible.

Fin du prologue^[2].

Il me semble avoir déjà écrit un billet dans le genre, tant pis si je me répète.

Mais ah que la nature est bien faite!

Alors que nous devrions être désespérés (surtout ma femme, mère poule de ses enfants) à l'idée de l'exil imminent de nos enfants chéris, en terre malouine, sous la tutelle de leurs grands-parents.

Ceux-ci (les enfants, hein, pas les grands-parents, quoique) se montrent particulièrement agressifs et désagréables (la fatigue, la chaleur,…),
le tout faisant en sorte que nous, parents, sommes finalement heureux de nous en débarrasser.

Ah que la nature est bien faite!
Même si la culpabilité est présente, le soulagement de les voir s'éloigner est beaucoup plus forte.

Allez dimanche soir^[1] ce sera Champagne chez les Jid^[2]

Je sais bien qu'une des fonctions des grands-parents est de gâter leur petits-enfants^[1] mais bon quand même!

Nous avons reçu une petite semaine mes beaux-parents.
Ils vont chercher les enfants à l'école, nous permettant de moins courir pour rentrer du boulot.

Ces jours là, je rentre vers les 18h30-45, heure du dîner (les grands-parents ont besoin d'aide pour que les enfants veuillent bien s'attabler).

Et puis un soir je rentre plus tôt, vers 18h00.

De la porte d'entrée, je vois la mamie sortir de la cuisine, s'arrêter net en me voyant et mettre ses mains dans le dos: une caricature d'enfant pris en flagrant délit.

Puis toute penaude, elle se reprend et me montre sa main: une tartine de Nutella (à destination du tyran de 3 ans^[2]) et s'explique confuse et pitoyable:

Mais il m'a demandé!

Pfff, je n'ai même pas eu la force de la gronder tellement elle avait l'air triste^[3].